J’avais envie d’aborder un élément essentiel de la construction d’un roman de son point de départ à son point de fin, j’ai nommé le propos.
Y a-t-il un dessein dans l’écriture d’un roman, un message que l’on veut porter, une idée que l’on tente de mettre en avant dans le récit ?

Les auteurs pourront vous tenir de nombreux discours.
Certains attachent une importance toute particulière à émettre une opinion, même si elle se cache derrière les personnages, d’autres préféreront saupoudrer leur histoire de petites touches d’idées, de convictions, d’autres enfin voudront à tout prix éviter cette démarche en se concentrant sur le sujet de leur histoire.

Et c’est là que nous pouvons très rapidement comprendre la complexité du sujet ici.

Le propos est-il oui ou non conscient, oui ou non volontaire ou simplement subi ?

Je crois très sincèrement qu’il n’existe pas de réponse toute faite et que chaque histoire est unique.

Pour un lecteur, il sera très difficile de cerner la volonté de l’auteur plus ou moins consciente de faire passer un message. Même si, très souvent les idées sont clairement énoncées, il n’est jamais sûr que le fait ne soit pas le produit de l’inconscient.

« Dans chaque personnage, il y a un peu de soi. »

 

Prenons le concept même du roman. Un roman n’est rien d’autre qu’une fiction imaginaire qui se basera ou non sur des faits réels. Mais, dans la plupart des cas, quel que soit le degré d’invention dans un roman, l’écrivain, qu’il le veuille ou non va mettre une part de lui dans l’histoire. Son cerveau ne devient pas neutre au moment de la conception de son livre. Il est traversé par son vécu, son expérience, ses idées, ses souvenirs et ce qu’il aime ou déteste. Bref un auteur n’est jamais neutre dans ce qu’il délivre dans son écriture.

Lorsque j’ai commencé à écrire, je voulais simplement voguer au travers de mon imaginaire, créer une histoire conçue de toute pièce sans me baser sur le réel.

Pourtant, très vite, le réel s’en est mêlé. Les personnages étaient humains, tout comme moi, et leurs sensations, leurs sentiments, leurs relations sociales découlaient directement des rencontres que j’avais pu faire au cours de ma vie, du vécu que j’avais emmagasiné jusqu’ici.

Dans chaque personnage, il y a un peu de soi. Beaucoup de personnes de mon entourage m’ont reconnu dans un de mes personnages pour chaque roman que j’écrivais.

« mon écriture sera issue de ma condition. »

 

Parfois en relisant mes romans, je remarquai des traits de caractère de personnes que j’avais croisées à un moment de ma vie. Mais je n’en avais pas eu conscience. Parfois ils étaient un mixage entre plusieurs individus.

Mais, je suis maintenant convaincu qu’on écrit jamais en sortant complètement de qui l’on est vraiment. Je suis un homme blanc, occidental, blond, grand, vivant dans un environnement serein, entouré par des gens que j’aime, et exerçant ma passion.

Il est donc évident que mon écriture sera issue de ma condition.

Dans un second temps, il est évident que tout ce qui peut traverser notre vie, nous apporte interrogation, mépris, joie, mécontentement, refus, colère, révolte, acceptation et tout un panel d’émotions aussi marquantes qui vont faire de notre jugement personnel une expérience unique.

Nous ne pouvons être d’accord sur tout, nous sommes tous uniques.

Ainsi, je serai plus sensible à certains sujets que d’autres ou moins concerné par des idées que je ne connais pas.

J’aime me cultiver un maximum, lire, écouter, apprendre sans cesse de nouvelles choses.

Il y a l’histoire, l’intrigue, les mécaniques qui articulent tout cet ensemble, mais il y a aussi le thème et les idées qui en découlent.

 

Tout au long de notre vie, on emmagasine de nouvelles données qui permettent d’agrandir notre champ de connaissances et de mieux appréhender le monde qui nous entoure, et qui nous sommes.

Le vécu est essentiel. Il est très difficile de parler d’un sujet que l’on ne connaît qu’à travers des dires ou des livres. Vivre les choses est important. Alors lorsqu’il m’arrive d’assister à une scène peu habituelle, ou de vivre de l’intérieur quelque chose de bouleversant, d’important, il me vient dès lors l’envie d’en parler, de partager cette expérience.

Les livres sont là pour ça.

De nombreux sujets me tiennent énormément à cœur. Mais la fiction a toujours été ma drogue.

J’aime raconter des histoires et les partager pour voyager et faire voyager mes lecteurs dans des univers dans lesquels ils vivront une aventure le temps de la lecture qui les sortira du réel.

Pourtant, quel que soit le style de roman que je vais écrire, quel que soit le temps, l’époque ou la nature de mes personnages, le propos prend un tout autre sens, lorsque je commence à créer mon histoire.

Il y a l’histoire, l’intrigue, les mécaniques qui articulent tout cet ensemble, mais il y a aussi le thème et les idées qui en découlent.

Aucune histoire ne reste jamais dénuée d’intention.

Concernant mes romans, chacun d’entre eux m’a permis d’aborder des sujets qui me tenaient particulièrement à cœur. Pour la plupart du temps, ils pourront rester discrets, certains lecteurs ne remarquant jamais leur existence, d’autres me le faisant remarquer, mais à chaque fois, l’idée est là.

Elle n’est pas forcément voulue, choisie, mais elle s’impose à moi.

Dans Le Secret de la lune, je voulais avant tout emmener avec moi les lecteurs dans une épopée titanesque au travers du temps et des époques, mais le fond du roman repose sur l’écologie, les civilisations et les limites qu’elles peuvent présenter, les secrets d’État…

Pour La Disparition de Natacha B., le sujet de la parentalité, des secrets de famille, de la jalousie ont été inhérents aux lignes que j’écrivais.

Enfin lorsque j’ai écrit les Racines Bleues, tout fut différent. Car le propos était au cœur de mon histoire. La discrimination. En écrivant cette histoire, même si l’intrigue tournait autour des secrets de famille, j’avais envie de faire passer le lecteur du côté du discriminé, et l’effet que j’ai ressenti en écrivant ce roman fut incroyablement malaisant. Je fus pris à mon propre jeu. J’étais furieux contre ceux qui jugeaient, mais je voulais comprendre leur comportement.

Écrire un roman, lire un roman n’est jamais innocent. Il ne laisse jamais indifférent. Le propos est au cœur de nos lectures, de notre écriture.

À chaque roman terminé, quelque chose se passe en nous, quel que soit la qualité de l’écrit. Un roman fait réagir presque à tous les coups, c’est pour cette raison qu’il faut lire, et écrire sans cesse.

Car au-delà de ce que l’on peut ou l’on veut faire passer dans une histoire, les romans peuvent changer la vie, changer la société, à court ou à long terme.

Vive les romans !

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