« Un suspense de fou, une histoire haletante »
Je connais Frédéric Rocchia pour avoir lu il y a peu le roman qu’il a sorti cette année, « Ce que le temps fera de nos vies » où j’avais pu apprécier son style et sa façon de mener une intrigue, je pense que je n’oublierai pas de sitôt l’histoire de Tom et Jeanne. Tout comme avec ce roman dont je vous parle aujourd’hui, je ne vais pas oublier les personnages de cette histoire. Je me suis laissée mener par le bout du nez tout au long des pages.
Je ne vais pas trop parler de l’histoire, je vais laisser planer le mystère que l’auteur a si bien installé et qui fonctionne très bien. Tout va tourner autour de trois personnages principaux qui à première vue n’ont rien à voir les uns avec les autres. Sam est un jeune homme de trente ans, il est magasinier, mais il vient de perdre son travail, sa petite amie l’a quitté au bout de trois semaines. Sam est dépressif et ce ne sont pas les repas chez ses parents qui vont lui remonter le moral, avec une mère ultra possessive et un beau-père qui ne l’aime pas, son demi-frère ne l’aime pas plus d’ailleurs. Ensuite, nous avons Carole, elle a la cinquantaine, travaille comme infirmière dans un centre médical où elle aide les gens dans le besoin. Elle est blasée, se pose un tas de questions, elle se demande si elle a fait les bons choix, quelle aurait été sa vie autrement. Et puis, nous avons Margaux, une jeune femme de 25 ans, prostituée, tout comme sa mère, elles vivent toutes deux, son avenir semble tout tracé.
Le destin va rattraper ces trois personnages, tout va basculer pour eux. Et d’une façon que vous pouvez même pas imaginer ! Je me suis posée une tonne de questions, je cherchais des points communs entre les trois personnages que je ne trouvais pas, je me creusais la tête, je ne voyais vraiment rien. Jusqu’à ce que l’auteur distille de petites révélations, il a semé des indices au fur et à mesure pour mener vers des révélations qui m’ont scotchée et laissée sans voix. Ah je n’ai rien vu venir, jusqu’à la fin, je me demandais encore qui était qui. On comprend les liens entre certains, puis d’autres révélations arrivent, les liens se modifient, c’est vraiment très troublant. Et en même temps, il n’y a rien de compliqué, toute l’histoire repose sur des secrets familiaux qui se sont transmis et qui font du mal sur plusieurs générations. Cela existe dans la vraie vie, je dirais malheureusement d’ailleurs. En tout cas, tout m’a semblé très réel et ayant pu exister. Les liens du sang ne sont pas toujours les plus forts…
Un autre personnage important de cette histoire est plus irréelle, c’est le lieu où se passe l’histoire. L’auteur l’a ancrée dans des lieux qui n’existent pas, avec des noms inventés, ils pourraient ressembler à des lieux connus, et sont en tout cas très représentatifs d’une société à problèmes. On est à Banefieu, un petit port proche de la Manchenille, et comme dans tout port, les habitants vivent au rythme de la pêche et des saisons touristiques. La particularité de cette ville est qu’elle est coupée en deux, il y a la rive sud et la rive nord, les deux étaient reliées avant, le pont a été détruit pendant la seconde guerre mondiale. Depuis, les deux rives se font une sorte de guéguerre, ne se parlent pas et ne se supportent pas. Au sud, vivent les gens plus aisés, instruits, au nord, vivent les gens plus pauvres, plus paumés. Les deux populations ne se mélangent pas, et on va pouvoir se rendre compte des tensions entre ces deux peuples au travers des personnages de Sam, Margaux et Carole. L’auteur a ainsi à travers l’histoire de ces lieux faire passer des messages graves sur l’acceptation de l’autre, le racisme, la différence. Il a pu souligner des faits de société qui existent dans certaines communautés, le peu de chances donné à ceux qui ne viennent pas d’une bonne classe sociale. J’ai trouvé vraiment intéressant de superposer ces lieux qui n’existent pas de nom avec de véritables de nos vies. Et quand, malgré tout, des personnes de milieux différents se mélangent ou semblent s’apprécier, leurs origines sociales leur sont toujours rappelées et créent ainsi des drames.
J’ai trouvé tout ceci très bien fait, j’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur nous mène en bateau. Les chapitres alternent entre les trois personnages, ce qui donne énormément de rythme à la lecture. Quand on en quitte un, on a déjà hâte de le retrouver pour savoir ce qui va lui arriver, surtout que, comme vous vous imaginez bien, on quitte le personnage soit en mauvaise posture, soit avec une révélation qui peut tout changer. Le suspense est alors entier, on se dépêche de lire pour retrouver ce personnage et les pages défilent, car ça fait le même effet avec les autres protagonistes de l’histoire. Cela donne un rythme de lecture haletant, très prenant, qui fait que j’ai lu rapidement ce roman. Même si je voulais ralentir, je ne le pouvais pas, tellement la tension était forte, je pensais à l’histoire le livre refermé et j’avais hâte de me remettre à le lire. J’essayais de trouver des solutions, et quand celles-ci me sont arrivées au fur et à mesure, je suis restée interloquée. Et c’est comme ça jusqu’à la fin, jusqu’au dernier mot. Je suis vraiment épatée de la façon dont l’auteur a mené tout le jeu. Il a un pouvoir de construction très intense.
Je me suis attachée aux personnages, même si l’auteur n’a pas choisi le style narratif que je préfère. Si vous me suivez, vous savez que je suis sensible à la narration à la première personne, et pourtant, malgré que ce soit la troisième personne qui soit utilisée, j’ai réussi à ressentir toutes les émotions qui traversent les personnages, j’ai très bien ressenti la tension qui régnait, la peur qu’ils ressentaient. Tout est finement décrit par l’auteur, sans lourdeurs, avec beaucoup de finesse. L’ambiance est vraiment bien retranscrite, j’ai eu peur, j’ai eu mal, j’ai été rassurée, j’ai été émue, bref, la narration ne m’a pas empêchée de ressentir des émotions pour certains personnages. J’ai même eu de la compassion pour les plus méchants qui ont en quelque sorte des circonstances atténuantes.
J’ai beaucoup aimé cette lecture, qui m’a tenue en haleine du début à la fin, j’étais complètement absorbée dedans, je crois qu’il pouvait se passer n’importe quoi à côté de moi, je ne me suis rendue compte de rien. J’aime quand mes lectures ont ce côté très immersif, impossible à lâcher, prenantes et déstabilisantes. À la fin de ma lecture, j’avais presque envie de la relire, je me disais que maintenant que je connaissais les tenants et aboutissants, je voulais voir si l’auteur n’aurait pas semé des indices qui m’auraient mis sur la voie. Mais je n’ai malheureusement pas le temps de relire pour l’instant, mais une chose est sûre, c’est que je le ferai dans un futur proche.
Ce second roman que je lis de Frédéric Rocchia me confirme son talent d’écrivain et de raconteur d’histoire. J’ai pu apprécier une nouvelle fois son style très fluide, son ton très incisif, et sa façon de me mener en bateau. J’ai lu deux romans de lui, il m’en reste encore deux à lire, j’avoue que je suis curieuse de les découvrir, s’ils sont dans la même veine que ces deux là, cela donne très envie de les lire pour retrouver cette immersion totale.
En tout cas, si vous ne connaissez pas encore Frédéric Rocchia, je ne peux que vous inviter à le faire avec ce livre ou avec un autre, pour l’instant, les deux que j’ai lus sont aussi bons l’un que l’autre. Il sait mêler le suspense d’un bon polar à des faits sociétaux que l’on peut rencontrer dans nos vies.
J’ai passé un excellent moment avec ce livre que je vous recommande vivement.
Il ne me reste plus qu’à remercier Frédéric Rocchia pour ce qu’il m’a fait vivre le temps d’une lecture et le remercie de m’avoir de nouveau fait confiance.
Un immense merci à Marie-Nel lit
pour cette chronique !
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